La nouvelle version de l’article 344, § 1er, du CIR 1992, introduite par l’article 167 de la loi-programme du 29 mars 2012, est applicable à partir de l’exercice d’imposition 2013, ainsi qu’aux actes ou ensembles d’actes juridiques posés au cours d’une période imposable clôturée au plus tôt le 6 avril 2012 et se rattachant à l’exercice d’imposition 2012. Cette dernière disposition vise les sociétés qui clôturent leur exercice social à partir du 6 avril 2012, qui est la date de publication de la loi au Moniteur belge.

Tout comme l’ancien article 344, § 1e, le nouveau texte vise tant les actes juridiques isolés que les ensembles d’« actes juridiques » qui réalisent une même « opération ».

Des actes distincts réalisent une même opération soit lorsque  les différents actes résultent d’un accord initial conclu entre parties sur les différents actes successifs à réaliser, soit lorsqu’il n’existait, dès la conclusion du premier acte, aucune vraisemblance que les actes subséquents ne seraient pas également accomplis.

L’administration fiscale a toujours tenté de faire valoir que la mesure anti-abus pouvait s’appliquer si « le dernier acte juridique qui fait partie d’un ensemble d’actes juridiques réalisant une même opération a été posé ou est posé dans le courant de l’année 2012 » (Circ. AAF3/2012 du 4 mai 2012).

Elle estime donc que la nouvelle mesure anti-abus peut s’appliquer à une opération dont le premier acte a été réalisé avant l’année 2012 lorsqu’il fait partie d’un ensemble d’actes juridiques qui constituent une même opération, du moment que le dernier acte soit posé dans le courant de l’année 2012.

Cette position est pourtant contraire au texte même de l’article 169 de la loi-programme.

Celui-ci prévoit en effet que l’article 167, qui instaure la mesure anti-abus nouvelle en matière d’impôts directs, est applicable « à partir de l’exercice d’imposition 2013, ainsi qu’aux actes ou ensembles d’actes juridiques posés au cours d’une période imposable clôturée au plus tôt à la date de publication de la loi ».

Le texte est clair : « l’ensemble des actes » doit être posé au cours de la période en question. Il ne suffit donc pas qu’il en soit ainsi du dernier d’entre eux.

Ce point de vue paraît effectivement le seul qui soit compatible avec le texte clair de l’article 169 de la loi-programme : il n’y a pas « d’ensembles d’actes » accomplis au cours de la période de référence si le premier d’entre eux est antérieur à cette période.

La mesure anti-abus s’applique aux opérations constituées par plusieurs actes juridiques si le premier de cet acte a eu lieu au cours de l’exercice d’imposition 2013 ou au cours d’une période imposable clôturée à partir du 6 avril 2012, mais pas avant.

Cette interprétation permet d’ailleurs de respecter la sécurité juridique, puisqu’elle permet d’éviter qu’un contribuable qui a entamé une opération avant l’entrée en vigueur de la mesure anti-abus se voie rattrapé par celle-ci, alors qu’au moment où il a posé le premier acte, la notion d’abus fiscal n’existait pas.

Il y aurait sinon violation du droit à la sécurité juridique du contribuable en l’espèce.

La Cour d’appel de Gand, qui avait déjà rendu un arrêt en ce sens, vient tout juste de confirmer cette position dans un arrêt du 28 avril 2020.

Cet arrêt montre que la prévisibilité de la loi fiscale et la sécurité juridique restent des valeurs clés de notre droit fiscal.

Pascale HAUTFENNE